Napalm Death : Fear, Emptiness, Despair
Drôle d’album que nous sortent là les grinders de Birmingham, en cette année 94. A la fois au sommet de sa gloire pour une masse de fans qui ne peuvent se passer du martèlement de tympans en règle au grind/death Napalmien; et cependant toujours plus en marge, quand le métal extrême de cette époque est en pleine évolution, voire révolution: le groupe culte n’était plus en mesure de nous ressortir un “Utopia Banishedâ€, qui serait devenu sacrément anachronique.
La séparation douloureuse d’avec son batteur Mick Harris a sans doute joué son effet. Fear, Emptiness, Despair est un album de rupture, au moins dans la forme, avec tout ce que nous a proposé Napalm depuis Scum.
J’avoue avoir eu à l’époque un mal de chien à passer la première écoute d’un trait. Peut-être la surprise de découvrir un métal presque expérimental, plutôt lent, suffocant, étouffant, aux riffs chaloupés, presque rock’n roll…dans la forme. Parce que le fond, lui, est un mur du son colossal, le plus épais de toute l’oeuvre de Napalm Death. Une puissance de feu terrifiante, qui vous martèle la tête; Barney, lui, n’a pas bougé d’un iota et beugle sans discontinuer. Les riffs, plutôt simplistes, presque industriels dans leur aspect déshumanisé, procurent un effet de puissance lourde et assez terrifiante, encadrés par une section rythmique qui a franchement ralenti la cadence, mais reste très présente et très martiale, Danny Herrera à la batterie occupant sacrément l’espace sonore.
Dur de décrire le style de l’album, au final. Si des titres comme “Hung†ou “Armaggedon x7†continuent de suer le grind par moment, l’écoute de plusieurs morceaux comme par exemple le très groovy “State of Mind†interpellent. Ils laissent l’impression que Napalm, sans franchement perdre de sa puissance ou de son agressivité, a évolué loin dans l’expérimental, qui s’appuie sur un côté presque tribal pour transmettre sa colère. Et l’absence de blast-beat ou de la moindre accélération sur ce titre mid-tempo ne remet pas pour autant en cause la baffe que l’on subit, qu’on le veuille ou non. On en prend toujours plein la courge…
Le meilleur morceau reste peut être “Plague Ragesâ€, une rythmique lente mais une puissance de feu considérable qui encadre Barney déchainé, et deux accélérations foudroyantes et libératrices, à l’image des hurlements de Mitch Harris. Plus vraiment de trace grindcore, mais une lourdeur inégalée, révélée entre parenthèses par une production sacrément carrée et soignée.
Au fil des écoutes on parvient à mieux appréhender le travail des Anglais, et également à réaliser le tour de force qui a été nécessaire pour parvenir à ce niveau de violence, tout en ayant franchement baissé de pied au niveau du tempo. Pourtant l’album garde un côté indigeste, tant sa lourdeur et sa froideur est difficile à supporter. Les fans d’industriel sauront apprécier ce côté complètement déshumanisé, mais le martèlement répétitif auquel on a droit, bien qu’impressionnant de force, ne reste pas le plus jouissif que Napalm ait eu à proposer. L’auditeur subit sans doute trop, et pas toujours avec consentement. Cependant la suite de la discographie des grinders permet de mieux comprendre l’importance de “Fear, Emptiness, Despair“, qui a permis à Napalm de sortir d’un carcan musical trop étroit pour son talent, ce qui ne l’empêchera pas de revenir à ses premières amours grindcore en ayant sacrément mûri…
Donc au final un album de rupture ô combien nécessaire, et diablement impressionnant, à défaut d’être le plus accessible et le plus abouti de la discographie Napalmienne.