Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nightshade n’est pas un groupe très connu. Fondé en 96 en pleine effervescence du death mélodique, le combo suédois, splité en 2003 dans l’indifférence totale, n’aura pas laissé une discographie très conséquente, et ce Wielding the Scythe de 2001 sera son témoignage sonore le plus probant.
Comme le pays d’origine du groupe et son année de création le laissent à supposer, Nightshade évolue dans un death mélodique très typé In Flames période Lunar Strain/Jester Race ( il n’y a qu’à jeter une oreille sur les riffs d’entame de Limbonized et Possessor), mais le combo ne se contente pas de singer ses glorieux aînés et délivre une musique assez personnelle et incontestablement inspirée.
Sur Lacrima Cealestis, c’est une ouverture au clavier à la Nightwish qui démarre les hostilités, appuyée par une mélodie épique et sautillante qu’on croirait toute droit sortie d’un album de Finntroll. Ce n’est que plus tard dans le morceau que les premiers riffs typiques de l’école de Göteborg, limpides et explosifs, viendront agresser nos tympans pour notre plus grand plaisir.
Les titres défilent et le constat est sans appel : Nightshade livre une musique à la fois agressive et mélodique, avec des riffs majestueux qui nous transportent le long de leurs notes aériennes, et un côté épique à la limite du folk servi par des excellents claviers à la Summoning/Rivendell qui enveloppent certains morceaux d’une ambiance moyenâgeuse et fantastique. On croirait parfois entendre la B.O. d’un film d’Heroic Fantasy tant ces claviers nous emmènent loin, s’amusant à nous perdre au milieu de terres brumeuses et chimériques.
L’art des Suédois est loin d’être linéaire et cette galette nous offre un son riche et varié. L’aspect mélodique est très mis en avant, et on pourrait presque parler de death atmosphérique sur certains passages, mais le groupe sait aussi se faire plus agressif, comme sur Natthymn avec ce riffing plus black, qui rappellerait presque Dissection, ou le milieu de piste de Limbonized, renforcé par quelques passages plus sombres et intenses à la Sacramentum.
Le tout est porté par une voix arrachée très expressive, à mi-chemin entre le black et le death, une batterie simple et efficace évoluant principalement en mid tempo et un sens du riffing absolument imparable (l’ouverture de Limbonized qu’on croirait tout droit sortie d’un album d’In Flames) ainsi qu’une virtuosité soliste proprement irrésistible (les somptueux soli de Moonlight in Chaos Stone ou Possessor nous entraînent avec leurs déluges de notes dans des transports extatiques au beau milieu des étoiles).
Pour souligner la diversité de Wielding the Scythe, citons pêle-mêle Limbonized, savant mélange de death Göteborg et dark metal, tiraillé entre ces claviers et harmonies mélodiques, qui renvoient directement à In Flames et Dark Tranquility, et riffs saccadés et lourds appuyés par une basse chaude à la Sacramentum; Sanctum, moins réussi à mon sens, avec un chant féminin inattendu sur le refrain et des parties chuchotées sur une instrumentation plus intimiste qui rajoute un peu de douceur à la galette ; le somptueux Moonlight in Chaostone plus épique et prenant que jamais, avec ses envolées guitaristiques de toute beauté et son intensité dramatique palpable, mêlant chœurs et claviers en un acme magique, et offrant un solo éblouissant ; ou encore Possessor avec sa partie centrale poignante tout en sensibilité et en émotions, rehaussée par un long solo de guitare aux résonnances oniriques qui vient expirer en fin de morceau.
L’ensemble reste toujours empreint d’une certaine beauté, résultant d’une recherche de la mélodie omniprésente et cette quête ne semble s’encombrer d’aucune limite musicale, le combo suédois n’hésitant pas à explorer des sonorités singulières grâce à des claviers parfois un peu déroutants, mais toujours inspirés (le début de Lacrima Cealestis, le pont d’un autre temps de Chaos of The Moonstone, le solo spatial de Exile… ).
En résumé, c’est un très bel effort que nous ont offert Nightshade avec ce Wielding the Scythe, et quand on sait que cette galette est l’ultime offrande du groupe, il serait dommage de s’en priver. A recommander chaudement à tous les amateurs de musique heavy, mélodique et épique qui veulent redécouvrir une époque où death mélo rimait encore avec originalité, créativité et fraîcheur.